Tout savoir sur la toxicité des glands pour les équidés

Delphine Franckson
il y a 3 heures | 9 min de lecture

L’intoxication du cheval par les glands (et les feuilles) de chênes, que savons-nous vraiment ?   

les intoxications semblent nombreuses cette année et vous être nombreux à nous avoir sollicités pour un récap, le voici donc.

Dans le règne végétal, il existe de nombreuses familles de composés secondaires qui peuvent être toxiques pour nos animaux. Parmi celles-ci, les tanins sont des molécules notamment présentes chez les chênes, avec un rôle défensif.

Il existe deux types de tanins : les condensés et les hydrolysables.

  "Hydrolysable" signifie que, sous l’action d’enzymes bactériennes ou animales, ces tanins peuvent être découpés en molécules dérivées (on parle de « métabolites »).

  Les tanins condensés vont donc traverser le système digestif du cheval sans être lysés (découpés), alors que les tanins hydrolysables seront altérés et donneront des fragments tout aussi, voire plus toxiques.

On va retrouver des tanins dans toutes les parties de l’arbre mais les quantités sont plus élevées dans les fruits (surtout verts et non mûrs), dans les jeunes feuilles et bourgeons. On évoque de teneurs pouvant aller de quelques à plus de 10% de la matière sèche ce qui est très élevé !

Quels chênes sont les plus toxiques pour les chevaux ?

Tous les chênes doivent être observés avec méfiance mais les plus problématiques dans nos régions sont le chêne pédonculé ou anglais (Quercus robur), le chêne rouvre ou sessile (Quercus petraea) et le chêne vert (Quercus ilex). Malgré qu’il soit souvent perçu comme non problématique, le chêne liège (Quercus suber) semble pourtant également présenter un potentiel toxique, a minima chez les bovins.

Chez nos grands animaux, ce sont surtout les bovins qui sont les plus sensibles mais les équidés suivent de près. La différence entre ces deux espèces sera le lieu de digestion (lyse) des tannins : au début du système digestif chez la vache et plus bas chez le cheval.

 Quels mécanismes expliquent l'intoxication ?

• Les tanins condensés (proanthocyanidols chez les chênes)

Ils sont peu altérés par la digestion mais vont venir se lier aux protéines de la ration et aux parois digestives causant une chute de la digestibilité de l’aliment, une malabsorption et potentiellement une irritation de la muqueuse digestive (tannage par astringence).

NB. Les tanins hydrolysables, avant leur transformation et leur absorption sanguine participent également à ces effets délétères. Il s’agit d’une intoxication directe et locale (digestive).

• Les tanins hydrolysables (gallotanins chez les chênes)

Ils vont être hydrolysés (découpés) dans le gros intestin du cheval en acide gallique, lui-même transformé par décarboxylation en pyrogallol, soit dans le gros intestin, soit dans le foie du cheval. Le pyrogallol présente un pouvoir oxydant et une toxicité cellulaire locale élevée.

Ces deux substances sont assimilables et se retrouvent dans le système circulant où ils vont induire une dégradation des cellules de reins, du foie et des vaisseaux sanguins. Ces atteintes conduisant à un déclin de la fonctionnalité de ces organes et à une augmentation de la perméabilité de la paroi des vaisseaux et à une fuite de liquide dans la cavité abdominale (œdème).

Ils aggravent également l’inflammation de la muqueuse digestive (typhlocolite) nécrosante, causant des diarrhées, parfois hémorragiques, des coliques, voire un arrêt du transit (iléus). De par son activité oxydante puissante, le pyrogallol peut entraîner une hémolyse (destruction des globules rouges). Intoxication est cette fois directe et indirecte (tanins et dérivés) ; locale (tube digestif) et systémique (système sanguin, foie, reins …).

 Chevaux pâturant une zone de prairie dangereuse où sont tombés des glands toxiques

• D’une manière générale, les tanins peuvent aussi fortement perturber le microbiote du cheval.

De par leur capacité à lier les protéines (dont enzymes bactériennes et protéines de surface) via leur groupements hydroxyles. Cette faculté va entraîner des perturbations et des modifications du microbiote digestif, d’autant plus si le transit est altéré, ralenti ou arrêté. Ces facteurs, combinés à la perte d’intégrité de la muqueuse, peuvent conduire à une intoxication généralisée (entéro– et endotoxémie) = intoxication systémique, causée par la dysbiose intestinale et renforcée par l’incapacité des reins à filtrer efficacement les déchets métaboliques.

• Les glands contiennent en plus de tanins, une concentration élevée d’amidon (entre 30 et 50% MS).

Or, les capacités des chevaux à digérer l’amidon de manière enzymatique sont faibles et le système digestif se retrouve vite saturé. L’amidon excédentaire dépasse alors sa zone de digestion normale (l’intestin grêle) et se retrouve dans la portion postérieure du tube digestif où il est fermenté par des bactéries, ce qui peut conduire à une acidification du milieu et à une dérive de flore, elle-même perturbant la digestion et libérant de nouvelles toxines (entéro– et endotoxémie non liées aux tanins, cette fois mais bien à l’excès d’amidon, impact local puis systémique). Par ailleurs, un apport massif d’amidon va également entraîner un pic glycémique, potentiellement problématique pour les chevaux souffrant de troubles métaboliques, de fourbures endocriniennes, etc. NB. La digestibilité de l’amidon issu des glands est faible comparée à celui issu de céréales, par exemple. L’effet sur la glycémie est donc moindre.

Quelles sont les doses toxiques ?

Chez le cheval, la dose toxique n’est malheureusement pas connue à ce jour et rien ne permet donc d’établir des prédictions précises à ce niveau, d’autant plus qu’il existe de nombreux facteurs de variation.

>> Chez les bovins (réputés un peu plus sensibles que les chevaux), 1 kg de glands verts par jour pendant 15 jours aurait déjà suffi à induire une intoxication.

Dans tous les cas, la consommation devrait être soutenue (plusieurs kilos pendant plusieurs jours ; par exemple 1 à 3 kg pendant une semaine) ou massive (par exemple et par extrapolation, 5 à 10 kilos sur 48 heures).

Un cheval qui croque par erreur dans une poignée de glands ne risque donc rien.  

Attention ! Être trop affirmatif quant aux doses toxiques peut actuellement conduire à une sur– ou sous-évaluation du risque. L’une conduira le gestionnaire à un état de stress excessif, l’autre à une minimisation de la situation… Comme toujours la nuance et la prise de recul sont nécessaires.

Jeunes feuilles de chênes plus toxiques pour les équidés en prairie

Quels symptômes observer chez un cheval intoxiqué par les glands (ou jeunes feuilles) ?

Chez le cheval, l’intoxication est principalement digestive, puis systémique avec une atteinte rénale additionnelle possible. NB. L’insuffisance hépatique peut également être observée.

1. Signes Gastro-intestinaux :

Coliques (douleur abdominale) et anorexie. Constipation initiale, souvent suivie de diarrhée, favorisant la déshydratation du cheval, renforcée par l’insuffisance rénale, il peut essayer de compenser par une prise de boisson accrue. La diarrhée peut être hémorragique, fétide et de couleur sombre. Dans certains cas, présence de fragments de coques de glands dans les fèces ou dans le tractus digestif (visibles à l’autopsie). Dans les cas graves, iléus (arrêt du transit).

2. Signes de Choc et Lésions Systémiques :

Léthargie et signes de choc circulatoire (tachycardie, muqueuses anormales), Hypovolémie et déshydratation (hématocrite élevée). Œdèmes généralisés (encolure, poitrail, abdomen ventral, …).

3. Anomalies Biochimiques et Pathologiques :

Dysfonction rénale : Augmentation de l'urée et de la créatinine (azotémie). Choc/Acidose : Augmentation du lactate sanguin et acidose métabolique. Lésions des muqueuses : épaississement très marqué de la paroi du gros côlon (œdème submucosal sévère) visible à l'échographie, surtout chez les non-survivants. Lésions hépatiques (élévation des enzymes AST, GGT) et musculaires (CK) sont observées.

 Quels sont les facteurs de variation ?

Certains facteurs vont impacter le niveau de risque :

Paramètres environnementaux :

Le climat de l’année, les niveaux de fructification = glandée (certaines années sont plus à fruits que d’autres), la disponibilité alimentaire (la disette amplifie la consommation de glands), les épisodes tempétueux, la saison (septembre et octobre sont les mois les plus à risque) …

Paramètres végétaux :

Âge de l’arbre, son espèce et la génétique individuelle, le niveau de maturité des extraits végétaux, la partie considérée (glands et sa cupule, feuilles, écorce…).

Paramètres animaux :

Âge du cheval (+ de 13 ans), état de santé dont rénal et hépatique, et sensibilité individuelle, notamment liée au microbiote et à sa capacité à fermenter les tanins, appétence pour les glands (voire toxicomanie possible). Il a également été suggéré que les chevaux pourraient présenter un certain niveau accru de tolérance aux tanins, via la sécrétion de protéines salivaires, si exposés de manière chronique (sans que cela signifie absence totale de risque).

Comment gérer la présence de chênes en prairie équine ?

D’une manière générale, la présence d’arbres indigènes est une bonne chose en prairie ! Ils fournissent de nombreux services tant au niveau environnemental qu’animal. Les chênes ne dérogent pas à ce principe et ne doivent donc pas être « traqués », d’autant que, contrairement aux érables, les distances de dissémination excèdent rarement les quelques mètres autour de l’arbre.

La prévention du risque réside dons simplement en l’éloignement des chevaux des zones où des glands sont présents. C’est un paramètre à prendre en compte dans l’aménagement et la découpe de vos parcelles.

Certaines personnes optent pour le ramassage qui permet de réinvestir plus rapidement la zone. Cela peut se faire à la main, au râteau, au ramasse-noisette,… L’utilisation de filet à olive à déjà été rapportée comme efficace.

NB. Si le risque lié aux tanins hydrolysable à tendance à diminuer avec le temps (sur la période hivernale) car ces tanins sont peu à peu dégradés et lessivés, le risque métabolique lié aux hautes teneurs en amidons, lui, demeurent. Il vaut donc mieux rester méfiant tant que les glands sont visibles, non dégradés ou non consommés par la faune.

Bien entendu, fournir une alimentation de qualité adaptée et en quantité suffisante est nécessaire. Il faudra également redoubler de prudence aux périodes de pluies et de grands vents qui feront tomber les glands en masse. 

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