Le stock sur pied

Delphine Franckson
il y a 1 jour | 6 min de lecture
Le stock sur pied

Le stock sur pied : un levier (pas si simple) pour affronter l’été !


Quand on parle de gestion estivale des prairies, on pense souvent à la sécheresse, aux pâtures jaunes... "cramées" et aux chevaux qui grattent le sol à la recherche d’un brin d’herbe. Pourtant, il existe une stratégie particulièrement intéressante pour anticiper cette période de disette : le stock sur pied.

Mais attention… s’il peut être d’un grand secours, il ne s’improvise pas. Voyons ensemble en quoi il consiste, ses atouts, ses limites, et les précautions à prendre pour qu’il serve vraiment votre système ; et surtout vos chevaux.

 

 
Qu’est-ce que le stock sur pied ?

Le stock sur pied consiste à "réserver" une ou plusieurs parcelles, dès le printemps, en y interdisant l’accès aux chevaux pendant plusieurs semaines, afin que l’herbe y pousse librement jusqu’en été.

C'est un peu comme si vous “cultiviez” du foin… mais sans jamais le couper : vous le laissez en libre service, prêt à être consommé directement sur tige, au moment où vos autres prairies ne produisent plus rien. 

Au printemps, l'herbe pousse rapidement, permettant de tourner sur un nombre restreint de parcelles, avec un temps de repos relativement court. En été, ce temps de repos doit être ralongé, la repousse est moindre et une pénurie d'herbe peut pointer le bout de son nez ...

👉  Le stock sur pied est une réserve fourragère vivante, que vous constituez de manière prévisionnelle, pour affronter les pénuries estivales ; particulièrement marquées en période de canicule ou de sécheresse prolongée et dans le contexte de changement climatique.

 
Les avantages du stock sur pied

  • Autonomie fourragère accrue : en plein été, quand les autres parcelles sont grillées ou surpâturées, vous avez une vraie réserve d’herbe disponible. Avec un apport suffisant en fourrage (fibres) nécessaire à la santé digestive et comportementale de vos équidés. 

  • Protection des sols : l’herbe haute fait office de paillage naturel, limitant l'impact du rayonnement solaire et protégeant contre l’érosion.

  • Refuge pour la biodiversité : plantes à floraison plus tardive, insectes pollinisateurs, micromammifères… tout ce petit monde trouve une place dans ces zones préservées.

  • Gestion flexible : en l’ouvrant progressivement (pâturage au fil, tournant ou "homéopathique"), vous pouvez ajuster les apports aux besoins du jour.
  • Remarque : le stock sur pied ne se substitue pas aux parcelles allouées à la fauche, dont le but est de récolter un fourrage pour nourrir les chevaux en hiver. Ces deux modalités peuvent donc coexixter dans le système.

Mais tout n’est pas si simple…

👉  Le stock sur pied n’est pas une baguette magique. Il vient avec son lot de contraintes, parfois invisibles au premier abord...

1. Qualité nutritionnelle en baisse

L’herbe vieillissante devient plus lignifiée, donc plus dure, moins digeste, plus pauvre en énergie et en protéines.

Cela peut suffire pour certains chevaux rustiques à l’entretien… mais peut être insuffisant pour des sujets ayant des besoins accrus (juments suitées, chevaux au travail, jeunes en croissance, etc.).

👉 Complémentation possible (foin, concentré, CMV), à adapter selon la catégorie d’animaux.

2. Risque de gaspillage

Lâcher un troupeau dans une grande surface d’herbe haute, c’est souvent observer :

  • des chevaux qui piétinent plus qu’ils ne broutent

  • de l’herbe aplatie et souillée

  • et donc une perte nette de matière utile, voire un risque lié au parasitisme...


💡 Une ouverture progressive (parcellisation avec fil mobile) est fortement recommandée. Elle limite le gaspillage, encourage le pâturage complet, et vous permet de doser les apports quotidiennement.

3. Pas adapté à tous les systèmes

Si votre ratio surface/nombre de chevaux est faible, consacrer une partie du parcellaire à du stock sur pied peut aggraver un surpâturage ailleurs.

👉  Ce levier est donc surtout pertinent dans les systèmes extensifs ou mixtes (foin/pâture), ou lorsque vous avez un minimum de surface disponible.

4. Risque de déséquilibre ou de carence

Comme avec un foin pauvre, une herbe sur pied trop âgée peut ne plus couvrir les besoins nutritionnels minimums, en particulier en protéines ou en oligo-éléments.


Et contrairement à ce qu’on croit parfois, des pics de sucres peuvent encore exister notamment en cas de repousse feuillue et suite au retour des pluies...

👉  Cela signifie qu’il faut surveiller l’état corporel, ajuster les apports, et ne pas croire que "herbe sèche" = "zéro risque".

5. Sélectivité des chevaux

Nos amis équins savent très bien trier ce qu’ils mangent. En stock sur pied, ils peuvent choisir de se gaver des repousses vertes (plus riches) et délaisser les tiges dures.

Conséquence : les analyses de fourrage deviennent peu représentatives, et le contenu nutritionnel évolue de jour en jour.

6. Risques divers

L'herbe haute peut masquer l'irrégularité du terrain ou rendre certains obstacles invisible, ce qui entraine potentiellement un risque accru de bleassure voire de chute, même si ce risque reste souvent faible.

L'herbe haute peut aussi irriter les yeux ou provoquer des conjonctivites si elle est très montante (graminées montées en graines) avec un risque de lésions occulaires ou bucale liée aux épillets. 

Aspects techniques à ne pas oublier

Changer la parcelle réservée au stock sur pied, chaque année, peut être bénéfique pour l’équilibre végétal de vos prairies. Mais, parfois, des contraintes géographiques ou hydriques imposent un choix fixe (parcelles humides accessibles uniquement en été, par exemple).

Observer la flore reste essentiel : un stock sur pied est une zone qui peut héberger des plantes toxiques comme le séneçon de Jacob. Il faut la surveiller aussi rigoureusement qu’une pâture classique.

Estimer la biomasse : dans un cadre rationnel, vous pouvez peser l’herbe sur un m², estimer la matière sèche, et ainsi moduler l’avancée de votre fil en fonction des besoins de vos chevaux.

Nettoyage post-pâturage (broyage ou pâturage par des animaux moins sélectifs) peut être nécessaire pour favoriser la repousse suivante.

Conclusion : un outil à manier avec stratégie ... Et discernement.

Le stock sur pied est une excellente stratégie de gestion estivale de l'herbe, à condition d’être pensé en amont, adapté au système, et intégré dans une gestion fine des ressources.

C’est un outil agronomique, écologique et zootechnique à la fois ; qui demande observation, adaptation, et parfois quelques calculs. Mais bien employé, il peut faire la différence pour le bien-être de vos chevaux et leur garantir un accès suffisant au fourrage, même au coeur de l'été ...

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