Plantes toxiques pour les chevaux : notre méthode pour évaluer leur dangerosité.
Plantes toxiques... A prendre au sérieux ou pas ?
Notre méthode pour bien réagir et éviter de faire prendre des risques à vos chevaux.
Ah, les plantes toxiques ! S’il y a bien un sujet capable de causer des sueurs froides aux cavaliers et autres gestionnaires équestres, c’est bien celui-là !
Et on comprend aisément pourquoi…
Dans cet article, nous partagerons notre méthodologie, pour vous permettre de vous y retrouver parmi toutes ces plantes dites « toxiques ».
De la difficulté de trouver des sources fiables.
Que ce soit via le bouche-à-oreille, sur les réseaux sociaux ou sur divers forums… Personne ne semble pouvoir se mettre d’accord sur la liste précise des plantes à surveiller dans votre prairie ou aux abords de celle-ci.
En effet, une plante peut, d’une part, posséder certains avantages nutritionnels voire « médicinaux » et, pour autant, être dangereuse pour vos chevaux. Certains en feront la promotion, quand d’autres vous diront de vous méfier, voire de la bannir de vos herbages. C’est, par exemple, le cas de la consoude ou du tussilage qui contiennent des alcaloïdes pyrrolizidiniques.
D’autre part, une plante peut, bel et bien, être problématique… Mais seulement à doses élevées qui seront rarement rencontrées au pâturage. Il n’est donc pas toujours nécessaire de s’alarmer.
Il y a aussi l’effet « accumulatif » qui peut entrer en ligne de compte : quand une plante n’est toxique que si le cheval y est confronté sur le long terme (cf. petites quantités de séneçon) ou sur le moyen terme ( comme c’est le cas pour la prêle). On parlera, dans ce cas, d’une toxicité « chronique ». Pour d’autres plantes encore, l’effet est immédiat (on peut citer l’if) et la toxicité sera qualifiée de « aigüe ».
De plus, certaines plantes sont toxiques à l’état frais mais ne le seront plus dans le foin (c’est le cas des renoncules) … D’autres conservent par contre leur toxicité à l’état sec (comme le colchique).
D’autres parts, certaines plantes ne sont pas problématiques, en général, mais peuvent, dans certains cas, provoquer des pathologies (par exemple le mélilot dont la présence pourra entraîner une toxicité dans un foin mal stocké) …
Enfin, il faut aussi se rendre à l’évidence : la médecine vétérinaire n’a pas encore fait le tour de toutes les pathologies liées aux plantes. Et certaines morts « naturelles » en prairie, sont vraisemblablement à imputer à la consommation contextuelle de plantes toxiques encore inconnues…
Comme ça a longtemps été le cas en ce qui concerne la myopathie atypique.
Comment s’y retrouver ?
1) La validation botanique
La première étape quand on suspecte la présence de végétaux toxiques pour les chevaux (après un screening attentif de sa prairie) sera de valider l’identité de l’espèce présente.
En effet, de nombreuses plantes se ressemblent et on trouve, au sein de certaines familles, des espèces qui sont totalement inoffensives alors que leurs proches cousines sont particulièrement dangereuses ! Ce cas de figure se retrouve, par exemple, chez les ombellifères… (Où faire la différence entre cerfeuils, ciguës, oenanthes, berces et autres ombellifères (apiacées) peut sembler bien compliqué… Gare à l’erreur qui est souvent fatale !).
Comment savoir avec certitude à quelle plante on a affaire ?
(D'après E. Startmains et M. Serre via Tela-botanica)
Votre meilleure alliée sera l’expérience ! L’idéal reste donc de pouvoir se former ou de faire appel à un spécialiste (botaniste, guide nature ou autre expert reconnu).
Equipez-vous d’une flore de qualité (les collections Delachaux&Niestlé sont particulièrement adaptées à la pratique naturaliste) et apprenez à vous en servir de manière rigoureuse !
L’application Plantnet pourra également vous être utile… Mais, attention, à toujours faire valider l’identification par une personne suffisamment qualifiée ! En effet, il arrive fréquemment que le logiciel de reconnaissance se trompe et vous envoie sur de mauvaises pistes avec les répercussions que l’on imagine…
De la même façon le site internet de Tela-botanica est une mine d'or en termes de reconnaissance de plantes.
Voici quelques éléments à considérer lors de l’identification d’une plante :
- Son type d’habitat (humide, ombre, soleil, type de sol…) et sa répartition géographique (régions où elle est peu ou bien représentée).
- Son calendrier de végétation (de l’apparition des premières pousses, à la floraison et à la fructification) : toutes les plantes n’ont pas le même rythme !
- Particularités morphologiques : Observer les tiges… De quelles formes et couleurs sont les feuilles et comment se positionnent-elles les unes par rapport aux autres ? La plante a-t-elle des poils, des tâches ou une odeur particulière ?
2) La bibliographie
Pour estimer le degré réel de toxicité d’une plante, il faudra procéder à une étude bibliographique sur le sujet. Autrement dit, on cherchera différents articles scientifiques traitant de la plante et de sa toxicité chez le cheval (notez que les composés toxiques pour une espèce ne le sont pas forcément pour une autre ! Par exemple, les moutons sont moins sensibles aux alcaloïdes pyrrolizidiniques que les chevaux).
Certains de ces articles sont trouvables sur internet, pour les autres, il faudra vous tourner vers des bibliothèques spécialisées.
NB : un écrit scientifique est un document qui a suivi un schéma précis de validation par le corps académique. Il ne suffit donc pas de se fier à n’importe quel article de blog ou de forum. Vous trouverez les références de l’auteur et de son équipe (le plus souvent) ainsi que la revue responsable de sa validation et de sa publication, les pages et l’année de sortie du document.
Attention : un seul article ne suffit pas. Idéalement, il faudra en chercher entre 5 et 10 sur le sujet pour valider les faits. Car, vous verrez, les auteurs ne sont pas toujours d’accord entre eux.
Veillez également à ne pas avoir recours à des textes trop anciens. Au-delà d’une vingtaine d’années, l’article peut déjà être considéré comme obsolète.
3) L’expérience
Comme nous l’avons déjà évoqué, c’est le temps passé en extérieur à observer les chevaux et la nature qui forme l’expérience. Le contact régulier avec le terrain (et avec les acteurs clé que sont, par exemple, les vétérinaires ou les botanistes) est indissociable d’une bonne base théorique acquise dans les livres.
Entrainez-vous à reconnaître les plantes herbacées et arbustives lors de vos promenades !
4) Le principe de précaution (sans sombrer dans la psychose)
= Peser le pour et le contre !
Comme nous l’avons déjà dit, le statut de plantes toxiques pour les chevaux n’est pas toujours clair. Même en faisant une bibliographie exhaustive, vous pourriez être amenés à observer différentes conclusions qui ne vous permettront pas de savoir si une espèce est réellement dangereuse ou non.
Pourquoi ?
Parce que de nombreux facteurs entrent en ligne de compte… Comme la méthode d’analyse et de dosage de la toxine dans la plantes, qui peut différer entre deux articles. Ou la variabilité individuelle parfois très forte entre plantes d’une même espèce. Ou encore, parce que la sensibilité de tous les chevaux à la toxine n’est pas la même…
Dans tous les cas, nous vous suggérerons de toujours appliquer le « principe de précaution ». C’est-à-dire de ne pas tenter le diable ! S’il est possible d’éviter la présence d’une plante à risques dans votre prairie grâce à une bonne gestion… Ou si vous avez le choix de ne pas la semer dans votre couvert de plantes « médicinales » faites-le.
De la même manière, évitez de donner (à tout prix… et sur le long terme) certaines plantes « médicinales » à votre cheval, si celui-ci n’en a pas réellement besoin.
Il faut également noter que, parfois, des espèces toxiques sont également importantes pour la biodiversité (entomo- et avifaune). C’est le cas du Séneçon Jacobée, par exemple. Il est parfois utile de bien réfléchir avant de vouloir l’éradiquer totalement des abords de votre prairie et, ce, sur un rayon de 5 kilomètres…
Cette réflexion pourra être menée avec la plupart des plantes indésirables… Du millepertuis à l’érable sycomore !
Que faire ensuite ?
5) Agir
Sachez que l’éviction des plantes indésirables repose, dans 99% des cas, sur une bonne gestion de votre prairie !
Par « bonne gestion » nous entendons :
- maintien d’une fertilité adaptée,
- chargement (nombre d’animaux par hectare) qui permette d’éviter le surpâturage,
- fauche des refus,
- gestion des crottins,
- aménagement d’un temps de repos pour chaque parcelle après le passage des chevaux,
- etc.
Dans le cas où des plantes « à risques » sont observées, il faut donc commencer par identifier les causes de leur présence.
Sans cette étape, TOUS les plans de lutte possibles sont voués à l’ECHEC.
Les herbicides ne doivent être utilisés qu’en tout dernier recours ! D’ailleurs n’importe qui ne s’improvise pas « destructeur de mauvaises herbes »… Ni même « conseiller en utilisation de produits phytopharmaceutiques » (demandez toujours un détenteur de phytolicence agréé).
De plus, pouvoir améliorer ses pratiques vous demandera de connaître toute les plantes présentes naturellement sur votre prairie (le « type d’habitat écologique » qui sera lui-même lié à l’historique de la parcelle, à votre région, au climat, etc.).
Or, il faut savoir qu’un traitement chimique perturbera fortement les équilibres au sein de l’écosystème et, donc, rendra ensuite toute réflexion nettement plus compliquée et, par voie de conséquence, également moins précise.
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