Herser sa prairie au printemps

-
Faut-il herser sa prairie au printemps ?
-
Une réflexion agronomique pour les éleveurs et gestionaires équins
-
Qu’est-ce que le hersage de prairie, et quels effets attendus ?
-
Effet du hersage sur l’herbe : un bénéfice… à double tranchant.
-
Les taupinières : une vraie bonne raison de herser (en prairies de fauche)
-
Crottins : fertilité et zones de refus -
Mousse : un faux problème ! -
Végétation morte et étouffement du couvert -
Cas des prairies très dégradées ou piétinées
-
Effet sur la structure du sol ? Aucun.
-
Quand herser (si nécessaire) ?
-
En résumé, le hersage de printemps n’est ni bon ni mauvais en soi : c’est un outil, à manier avec discernement.
Faut-il herser sa prairie au printemps ?
Une réflexion agronomique pour les éleveurs et gestionaires équins
Le printemps revient, et avec lui son lot de questions récurrentes pour les propriétaires et gestionnaires de prairies pâturées ou fauchées : doit-on herser sa prairie ? À quoi le hersage sert-il réellement ? Est-il bénéfique pour l’herbe, pour les chevaux ou pour le sol ?
L’objectif de cet article : vous donner des clés d’analyse concrètes, pour prendre des décisions adaptées à votre contexte… sans reproduire des pratiques par simple habitude ou par effet de mode !
Qu’est-ce que le hersage de prairie, et quels effets attendus ?
Le hersage de printemps est une intervention mécanique superficielle visant à :
- Casser ou étaler les crottins en surface
- Aplanir les taupinières (souvent liées à l’activité des campagnols terrestres)
- Arracher partiellement la végétation morte ou les mousses
- Égaliser le sol après la période hivernale
>>> Cette opération est souvent présentée comme bénéfique pour la reprise de la végétation. Pourtant, cette affirmation mérite d’être nuancée !
Le hersage est un outil, mais pas une solution miracle. Il agit sur certains paramètres, mais peut aussi avoir des effets indésirables s’il est mal utilisé.
Effet du hersage sur l’herbe : un bénéfice… à double tranchant.
L’idée que le hersage « stimule » la pousse de l’herbe est largement répandue, mais biologiquement inexacte. En réalité, lorsqu’on herse une prairie, on agresse les touffes de graminées et légumineuses déjà implantées. Cette agression ralentit temporairement leur développement.
Cet effet est souvent minime mais il peut devenir significatif si les conditions climatiques sont défavorables : froid, sécheresse, vent du nord. Dans ce cas, le retard de pousse peut induire une perte de rendement non négligeable, en particulier dans les systèmes où le foin est une ressource essentielle.
Conclusion : le hersage ne stimule pas la pousse. Il peut même la freiner s’il est mal calé dans le temps ou mal justifié.
Les taupinières : une vraie bonne raison de herser (en prairies de fauche)
Parmi les bénéfices les plus concrets du hersage, l’aplatissement des monticules laissés par les camagnols est probablement le plus légitime, mais uniquement dans le cas d’une prairie destinée à la fauche.
En effet, herser permet de casser le relief et d'aplanir les monticules, limitant ainsi la future présence de terre dans le fourrage récolté. Celle-ci étant liée à divers problèmes sanitaires :
- Poussières → troubles respiratoires
- Présence de Clostridium botulinum dans la terre → risque de botulisme, souvent mortel pour les chevaux.
En revanche, dans une prairie pâturée, les campagnols sont généralement moins présents (car ils n’apprécient ni les couverts ras où ils sont peu protégés des prédateurs, ni le piétinement des animaux qui altère leurs galeries). L’intérêt du hersage devient alors beaucoup plus limité.
Crottins : fertilité et zones de refus
Autre effet souvent recherché du hersage : la dispersion des crottins.
Dans les prairies équines, les chevaux ont une forte tendance à refuser de brouter à proximité de leurs déjections. En hersant, on répartit plus uniformément les matières fécales, ce qui :
- réduit les refus
- homogénéise la fertilité du sol
- stimule la pousse globale du couvert
Cependant, le moment idéal pour cela est souvent l’automne, en fin de saison de pâturage. Herser au printemps, à ce stade, revient à perturber l’herbe en train de redémarrer. On peut donc s’interroger sur le bénéfice-risque, d'autant plus que le risque lié au parasitisme doit également être pris en compte !
Mousse : un faux problème !
Un argument souvent entendu : "Je herse pour détruire la mousse."
En réalité, la présence de mousse est un symptôme, pas une cause.
La mousse prolifère dans les prairies :
- à couvert végétal peu dense
- avec une hauteur d’herbe trop faible en hiver
- sur des sols mal équilibrés (acidité, hydromorphie)
Le hersage peut en arracher un peu, mais :
- cela ne règle pas le problème sous-jacent
- cela ne modifie pas le sol ni la structure du couvert
- la mousse revient si les conditions qui l’ont favorisée persistent
En somme, le meilleur traitement de la mousse, c’est une prairie bien gérée (densité, hauteur de sortie à l’automne, fertilité équilibrée).
Végétation morte et étouffement du couvert
En fin d’hiver, certaines prairies présentent une végétation sèche, plaquée au sol.
Cela peut poser problème si :
- l’épaisseur est importante
- elle empêche la lumière et l’air d’atteindre la base des plantes
- elle bloque la reprise des graminées ou des trèfles
Dans ce cas, le hersage peut avoir un rôle de nettoyage, en éliminant les débris les plus gênants.
Mais encore une fois : cela doit être fait tôt, idéalement avant que l’herbe vivante ne démarre, et uniquement si cette végétation morte est jugée réellement problématique.
Cas des prairies très dégradées ou piétinées
Le hersage peut aussi servir, ponctuellement, à remettre un terrain à plat, notamment après un hiver très humide ou un surpiétinement. Il peut contribuer à :
- lisser des ornières
- reboucher des creux
- homogénéiser des zones fortement perturbées
Mais attention, cela reste une mesure de réparation. Si l’on souhaite restaurer la production ou la portance de ces zones, il faudra généralement envisager un sursemis ciblé, avec préparation du lit de semence.
Effet sur la structure du sol ? Aucun.
Il est essentiel de rappeler que le hersage est une intervention de surface uniquement.
Elle n’a aucun effet sur la compaction, l’aération du sol en profondeur, ni sur le profil hydrique ou racinaire... D'autant que la compaction des sols est le plus souvent un "faux" problème en prairie équine.
Quand herser (si nécessaire) ?
Le bon moment pour herser est déterminé par plusieurs facteurs :
- Climat : éviter les périodes de vent sec ou de froid prolongé
- Phénologie : intervenir avant le démarrage franc de la végétation
- Humidité du sol : sur sol porteur uniquement afin de ne pas créer de dégratdations trop importantes
Dans tous les cas : le hersage doit être un choix réfléchi, pas une habitude automatique.
En résumé, le hersage de printemps n’est ni bon ni mauvais en soi : c’est un outil, à manier avec discernement.
Utile si :
- prairie destinée à la fauche avec beaucoup de taupinières
- crottins en surface à disperser, en l'absence d'autres fenêtres d’intervention
- présence importante de végétation morte
- besoin ponctuel de remettre à plat des zones très piétinées
À éviter si :
- pâturage classique sans dégradation notable
- présence de mousse seule
- herbe déjà avancée en végétation
- conditions climatiques défavorables