La gestion de la porcelle

C'est un sujet qui revient d’année en année... Après les renoncules au printemps, puis les rumex, c’est à présent au tour de la porcelle d’être au centre des discussions sur bon nombre de groupes.
Voici donc un petit rappel des points à ne pas perdre de vue quand on souhaite s’intéresser à cette plante et à sa gestion.
Toxicité de la porcelle ?
La porcelle est mise en cause dans le déclenchement d’une atteinte neurologique : le Harper Australien qui amène une démarche typique (levée exagérée des postérieurs) comme symptôme principal mais non exclusif. Les chevaux touchés sont plus ou moins profondément handicapés, en fonction de la gravité de l’atteinte (classée du stade 1 à 5).
En général, plus l’intoxication est décelée tôt (sur des chevaux marquant peu), plus les signes du Harper disparaitront rapidement dès qu'on aura éloigné le cheval de toute source de contamination.
Dans les cas sévères, un retour à la normale peut prendre plusieurs mois voire années. Un protocole vétérinaire individualisé sera mis en place avec éventuellement administration de produits drainants doux et revalidation mécanique. Des suivis ostéo et shiatsu pourront également avoir un impact positif sur la vitesse de guérison.
A l’heure actuelle, les modalités de l’intoxication ne sont pas scientifiquement établies.
Il est possible que la nocivité de la plante varie dans le temps et/ou en fonction de paramètres génétiques ou environnementaux comme la météo ou la pression de déprédation. Il est également possible que tous les chevaux ne présentent pas tous la même sensibilité à la plante… Cependant tous les équidés semblent susceptibles d’être intoxiqué.
Il n’a pas encore été clairement prouvé que la plante resterait toxique une fois sèche, cependant au vu de certaines données disponibles, le principe de précaution s’applique et on considère que l’intoxication via le foin est possible.
Conditions d’intoxication ?
En l’état actuel des connaissances, il semblerait que les cas de Harper ne se déclarent que...
* en présence importante de porcelle,
* en fin d’été et au début de l'automne,
* lors d’année ayant connu des épisodes de sécheresse.
L’atteinte neurologique n’apparait que dans le cas d’une ingestion importante de la plante.
Certains chevaux semblent s’en désintéresser, alors que d’autres en sont plutôt friands. Il a même été avancé que les chevaux pouvaient développer une forme d’addiction et se mettre à la rechercher préférentiellement en prairie. A l’heure actuelle, cette hypothèse n’a pas encore pu être scientifiquement validée mais quelques témoignages de particuliers font état de comportements alimentaires sélectifs.
Il sera donc important d'observer le comportement alimentaire de chaque cheval, dans le cas d'une présence importante de la plante.
Les prairies incriminées sont maigres et présentent classiquement un couvert végétal dégradé avec un surpâturage fréquent.
Evidemment, les chevaux n’ayant pas grand-chose à se mettre sous la dent seront encore plus enclins à consommer la plante.
Même si la porcelle n'est pas spécialement une plante compétitive, son système racinaire profond et son port plaqué au sol lui permettent d'assez bien tolérer les épisodes caniculaires et le piétinement, délétères à d’autres espèces végétales… Ce qui explique son développement dans les prairies où la gestion ne permet pas de préserver un couvert floristique adapté à l’alimentation des chevaux.
Reconnaissance de la plante ?
La première chose à faire (avant de vouloir tout passer au lance-flamme) est de s’assurer de la bonne identification de la porcelle qui est couramment confondue avec d’autres astéracées jaunes, comme les liondents, crépides ou pissenlits.
La porcelle se reconnait à ses feuilles basales en rosette, souvent épaisses et verruqueuses, systématiquement recouvertes de poils plus ou moins drus. Ses tiges sont ramifiées mais faiblement (rarement plus de deux fois) et les feuilles des tiges sont le plus souvent réduites à de petites écailles, même si elles peuvent dans de rares occasions être beaucoup plus développées. Les feuilles de la base peuvent éventuellement se redresser quand la porcelle pousse dans des conditions de compétition avec d’autres plantes et/ou de bonne pluviométrie par exemple.
Le liondent hispide lui ressemble, mais présente une pilosité plus abondante, une ramification absente et des écailles sur l'involucre moins "distinctes"...
Certains crépis peuvent lui ressembler mais on compte un nombre plus élevé de "fleurs" ( = capitules) par "tiges"... De plus, on trouvera des "feuilles" partant des tiges directement ce que la porcelle ne possède le plus souvent pas.
Découvrez un article riche en photos pour vous aider à la reconnaître : ici.
Moyens de lutte ?
Même avec des chevaux qui sélectionneraient la plante en priorité, voire auraient développé une forme de boulimie, une présence « normale » de porcelle ne suffira pas à déclencher un Harper et ne devra pas être perçue comme une menace.
La porcelle étant une plante normale des prairies, on évitera de s’affoler à la vue de quelques pieds, et on choisira de mettre en place une gestion adaptée et préventive pour empêcher son développement excessif.
Cette gestion repose sur le maintien d’un couvert végétal suffisamment dense et à l’anticipation des épisodes « malmenant » comme les canicules ou toutes formes de surexploitation de la prairie.
La fertilité du sol sera également une donnée à surveiller. En effet, la porcelle aura tendance à se développer (au détriment des autres espèces) sur des sols pauvres, superficiels, à faible teneur en matière organique ou sur des sols dégradés et fonctionnant mal.
Une fois que la plante est bien présente, l’arrachage est une technique efficace (couper la plante au niveau du collet, avec un petit couteau de cuisine ou un cutter, reste le plus rapide). Il est aussi possible de jouer sur les rythmes d’exploitation pour redonner l’avantage à certaines graminées et calmer les ardeurs de la porcelle.
Utilisation des pesticides ?
Beaucoup trop souvent, on lit sur les réseaux des recommandations du type « pulvérisez aux herbicides… » contre telle ou telle plante.
Ce genre de conseil est strictement réservé aux détenteurs d’une phytolicence (Certiphyto, en France). Si vous ne possédez pas ce type d’agrément, vous ne pouvez en aucun cas encourager l’utilisation de ce type de traitements (aux nombreux effets toxiques et dangereux, on le rappelle encore une fois).
Pour information, nous disposons de ladite licence et pouvons donc non seulement vous en parler mais également vous conseiller de manière juste et neutre puisque ... Nous ne vendons aucun produits !!
Et les agriculteurs, généralement détenteurs d’un agrément pour leur usage propre, ne sont pas forcément qualifiés pour du conseil individuel, d’autant que l’usage des pesticides en prairie est quelque-chose de très délicat (bien plus qu’en culture céréalière, par exemple).
En ce qui concerne la porcelle, elle est assez peu sensible aux pesticides, d’une part, et, d’autre part, pousse sur des couverts souvent déjà très dégradés où l’application de pesticides risque encore d’aggraver les choses, permettant à encore plus de plantes indésirables de se développer.
Finalement, une rénovation de prairie, avec un éventuel travail du sol et un semis (ou sursemis) reste une possibilité, qui se raisonnera au cas par cas.
Dans tous les cas, le chantier de rénovation devra impérativement être suivi par un professionnel qualifié.
Si vous souhaitez discuter de votre cas personnel, contactez-nous pour une visite ou un conseil à distance qui vous permettra de vous rassurer et de mettre en place une gestion adaptée sans danger pour vos chevaux ou pour vos prairies