Eviter ou encadrer la perte de poids hivernale ?

Delphine Franckson
il y a 2 mois | 10 min de lecture
Eviter ou encadrer la perte de poids hivernale ?

Pour nos chevaux, les conditions hivernales sont souvent propices à la perte de poids...

Celle-ci peut être souhaitable ou non, selon l’état global de l’équidé, de son âge, de son niveau de travail ou de son état physiologique…

-> Dans tous les cas, cette perte d’état doit être encadrée pour ne pas conduire à des soucis de santé, potentiellement graves !

Dans cet article, je vous propose de réfléchir aux causes les plus probables de la perte d’état et aux solutions à mettre en place pour garder votre cheval en forme (… et en formes !) tout au long de la saison froide.

Pourquoi les chevaux ont-ils tendance à maigrir en hiver ?

D’une manière générale, la période froide de l’année est synonyme de ralentissement de la pousse de l’herbe et de mise au repos de la végétation. La disponibilité alimentaire pour le cheval au pré sera donc souvent considérablement réduite, à moins de disposer d’une surface élevée ou d’un climat particulièrement doux qui permette au couvert végétal de pousser en continu.

Bien évidemment, de nombreux chevaux sont alors nourris au foin pour compenser ce manque de fourrages verts. Cependant, il faut garder en tête que les chevaux ont une capacité d’ingestion limitée. Il arrive que le foin soit particulièrement « pauvre » et que les quantités mangées ne suffisent pas à satisfaire les besoins énergétiques de l’animal ; d’autant que ces besoins vont avoir tendance à être plus élevés, en lien avec les conditions climatiques plus difficiles.

En effet, en hiver, les chevaux doivent dépenser plus d’énergie pour garder leur température corporelle constante (c’est ce qu’on appelle la thermorégulation). En fonction de leur génétique, de la qualité de leur toison ou de leur âge, par exemple, certains individus se refroidissent plus vite et dépensent plus de calories pour conserver une température corporelle entre 37 et 38°C.

Est-ce que cette perte de poids est une bonne chose ?

Tout à fait ! Mais seulement pour les chevaux qui présentent un surpoids en fin de saison estivale…

Typiquement, les chevaux typés plus « rustiques », les poneys et les équidés originaires des régions plus arides… peuvent prendre déposer pas mal de gras dès le printemps et pendant la saison de mise à l’herbe.

Cela va, bien entendu, être lié à la génétique du cheval en question, au type de travail qui lui est demandé, à son âge … Mais, également, à votre gestion du pâturage et de vos prairies !

Pour ces petits grassouillets, il est intéressant de profiter de l’hiver pour récupérer un corps d’athlète en laissant brûler quelques calories excédentaires… Attention ! La perte de poids ne doit cependant pas se faire de manière « anarchique » et quelques points de vigilances fondamentaux seront abordés dans le point suivant.

A contrario, il existe aussi des chevaux sensibles ou plus fragiles, chez qui cette perte d’état n’est pas du tout souhaitable.

Certains chevaux âgés ou malades, les individus plus près du sang, ceux à qui on demande une activité plus soutenue, etc. doivent être surveillés de près afin de garantir un maintien (voire une prise !) du poids.

Nous sommes très régulièrement sollicités, dès le mois de janvier, par des propriétaires qui ont vu leurs chevaux fondre en quelques semaines et qui commencent à s’en inquiéter.

Poil terne, dos creusé, mauvaise immunité ou piètre qualité des pieds, abcès à répétition ou qui ne guérissent pas, humeur changeante ou abattement… sont parmi les signes possibles que l’alimentation hivernale est déséquilibrée. Et cela touche tous les types d’équidés : rustique, fragiles, jeunes ou vieux…

Quels points d’attention pour que tout se passe bien ?

La base fondamentale sera d’abord de vérifier la ration alimentaire (quantité et qualité !).

Quantité = Est-ce que mon cheval reçoit suffisamment en termes de « masse » (constitué principalement de fibres/fourrages) ? Attention, on compte toujours en kilos de matière sèche (MS)… Et on parle de POIDS et PAS de VOLUME.

✅  Qualité = Est-ce que cette alimentation apporte tout ce dont mon cheval à besoin en termes d’énergie mais également de protéines, de vitamines, de minéraux et d’autres éléments dit « essentiels » ?

Les deux problèmes les PLUS FREQUENTS sont :
Soit un manque de quantité : pas assez de foin ou mauvaise utilisation des aliments fibrés ; soit des carences (problème de qualité) souvent au niveau de l’apport en protéines

Or, les protéines sont des éléments essentiels dans l’alimentation du cheval !

Leur rôle dépasse largement le développement et le maintien d’une masse musculaire adaptée… Elles interviennent également dans toute une série de phases métaboliques impliquant, par exemple, des réactions enzymes, la machinerie immunitaire ou reproductive, etc.

👉 Un cheval avec une mauvaise immunité peut donc, tout simplement, être en déficit de protéines (en quantité ou en qualité) !

Notons qu’un excès de protéines n’est pas non plus souhaitables, pour des raisons à la fois économiques (elles coûtent cher !) écologique (les excès sont directement relargués dans l’environnement via les urines) mais également car ils peuvent avoir des effets négatifs sur la santé du cheval, notamment au niveau des reins et du foie.

Protéines en hiver … Un problème récurrent, intrinsèquement lié à la qualité de votre foin !

Autrement dit, sans analyse de fourrage, il sera plus difficile de viser juste…

Etude de cas : Gaston est un cheval de 550 kg typé sport. En été, Gaston est à l’herbe et travaille peu (une ou deux balades tranquillou par semaine). En hiver, il est rentré en stabulation et monté plus régulièrement. Comme il était un peu trop gros après une saison au pré, sa propriétaire décide de ne pas le complémenter et de lui laisser l’accès à un râtelier en continu. Après quelques semaines à ce régime, Gaston a perdu du poids mais aussi pas mal d’énergie… Il est plus mou et semble « éteint ».

Sa propriétaire nous contacte donc pour un bilan alimentaire dont le but premier est de vérifier l’équilibre de la ration. Nous l’invitons à faire réaliser une analyse de foin qui révèle un fourrage à 17 g de MADC * par kilos (les MADC sont une manière de mesurer les protéines digestibles par le cheval).

Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

👉 Même en étant gourmand, il est peu probable que Gaston mange plus de 18 kg de foin par jour (soit +/- 15 kg de MS). Ces 15 kg MS vont donc lui apporter 15*17 g de MADC soit 255 g de protéines digestibles par jour… Alors que les recommandations pour un cheval comme lui sont de plus de 400 !

L’alimentation de Gaston est donc carencée à hauteur de 50% des apports protéiques ! Et il faudra lui apporter en moyenne, entre 1 et 2 kg d'aliment concentré, en fonction du type d'aliment choisi, pour rééquilibrer sa ration.

NB. Sa propriétaire ne comprend pas, car elle avait lu sur internet que le foin de cette année-là, faisait en moyenne 50 g de MADC … 

Autres points d’attention :

● L’équilibre minéral de la ration et l’apport de complément.

Tout comme en été, les fourrages ne couvrent généralement pas les besoins du cheval en minéraux. En outre, le foin est plus pauvre en vitamines et en acides gras que l’herbe. Il est donc important de choisir un AMV (Aliment minéral vitaminé) de bonne qualité et de l’ajouter en quantités adaptées, en fonction des résultats de l’analyse de foin. Un apport additionnel d’oméga-3 peut également se relever utile. (Ces points seront abordés dans de prochains articles).

Par ailleurs, certains chevaux ne se tiendront pas uniquement au foin ! Nous avons déjà évoqué la possibilité d’une carence en protéines ou en minéraux… Mais des apports d’aliments dits « concentrés » pourront s’avérer nécessaires, qu’il s’agisse d’aliments du commerce ou d’un mélange fait sur-mesure pour votre cheval à partir de matières premières comme de la luzerne, de la betterave, du lin, du soja, des céréales, … et leurs différentes formes.

● Fournir un abri et une zone « sèche » … et réfléchir à l’utilité d’une couverture

La vie au pré peut se montrer rude à certains moments de l’année… Lorsque la pluie glacée s’abat depuis plusieurs jours et que le vent souffle à coup de rafales frigorifiques … Un abri devrait être disponible dans chaque pré, suffisamment vaste pour abriter chaque cheval en lui permettant de se coucher au sel. 

Malheureusement, certaines situations ne sont pas optimisables et la couverture devient donc le meilleur choix pour des chevaux plus fragiles, quand d’autres restent peu sensibles aux intempéries. 

Il convient donc de connaître et d’observer son cheval régulièrement. Un animal voûté et sous lui, un changement d’humeur, des tremblements intempestifs et durables, sont des signes intéressants à noter ! Et gardez à l’esprit qu’un cheval soumis à de l’inconfort thermique peut subir un stress non négligeable pouvant, lui-même, conduire à d’autres pathologies telles que des ulcères, une dérégulation métabolique ou une immunité déficiente. 

● Être attentifs aux rapports de dominance

Quand les ressources alimentaires sont trop peu nombreuses ou mal configurées, les chevaux les plus dominés ou introvertis peuvent se retrouver à l’écart et rester sans fourrage pendant longtemps. Or, la digestion des fibres (par fermentations bactériennes au niveau du gros intestin) participe activement à réchauffer le cheval quand il fait froid. Sans compter que rester l’estomac vide reste un élément préjudiciable.

● Surveillez la capacité des chevaux à se déplacer

De la même manière, certains chevaux répugnent à marcher dans la boue ou bien présentent simplement une sensibilité de la sole qui rend pénible le déplacement sur les cailloux ou la terre gelée… Cette situation peut s’empirer avec l’humidité qui rend la corne plus mole… Allant jusqu’à participer au déclenchement de fourbures ! Il faudra donc toujours veiller à ce que les chevaux accèdent aisément aux ressources vitales : foin/fourrage, eau (toujours propre et de préférence tempérée ; l’eau sous forme de glace, ça passe moins bien 😉 ) et abris.

● Mettre en place un suivi global de la santé

Et notamment des dents (car un cheval avec des problèmes à ce niveau pourra ne plus être en mesure de s’alimenter correctement), des maladies chroniques ou aigües… et, finalement, du parasitisme… Qui sera abordé dans un prochain article.

Le top sera de prévoir un petit carnet pour noter vos observations, les dates des rendez-vous et les observations faites par vous-même et par les pros qui gravitent autour de votre fidèle destrier. De cette façon, il sera plus facile de trouver la cause d'éventuelles problématiques de santé et de surveiller l'impact de tout changement alimentaire. (C'est d'autant plus utile pour certains chevaux atteints par des pathologies comme le Kotwasser ou Free Fecal Water Syndrome).

● Viser une perte de poids (le cas échéant) progressive !

Hors cas très particuliers qui ne seront pas abordés ici, il convient de laisser le cheval maigrir lentement, toujours en surveillant les poids énoncés ci-dessus. Une perte de poids trop rapide pourrait s'accompagner de désordres métaboliques et de divers problèmes de santé, notamment digestive si les besoins en fibres ne sont pas satisfaits. 

👉 Envie d'aller plus loin ? Retrouver ici notre conférence sur l'alimentation hivernale

👉 Vous souhaitez vous faire accompagner dans l'alimentation de vos chevaux ?

Nous proposons différentes formules de bilans alimentaires, contactez-nous pour en discuter ! 

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