Chute brutale des températures et grands froids

Delphine Franckson
il y a 7 heures | 7 min de lecture

Choc thermique et régulation des procédés digestifs chez le cheval : effets physiologique et dangers liés aux « coups de froids »

Un cheval dans la brume hivernale évoquant une chute brutale de la température et son effet sur la digestion

Les chutes brutales de température peuvent provoquer un véritable choc thermique chez le cheval.

Ce phénomène, encore sous-estimé, augmente pourtant fortement le risque de coliques d’impaction, de coliques gazeuses et même d’ulcères gastriques. Dans cet article, nous verrons quels sont les effets du froid sur la digestion et comment prévenir les complications hivernales chez le cheval.

I. Les risques de coliques augmentent avec le froid…

Un petit aperçu de ce qui se passe, quand votre cheval subit une chute rapide de la température extérieure. … Et une aide pour comprendre s’il faut couvrir… ou pas 😉

Lorsqu'un cheval subit un choc thermique (température passant sous sa zone de neutralité thermique), son organisme priorise la thermorégulation des organes vitaux (cœur, cerveau, poumons). Ce "mode survie" se fait au détriment du système digestif via trois mécanismes convergents.

1. Perte de la sensation de « soif »

Le facteur de risque numéro un des coliques d'impaction en hiver (= bouchons qui se créent dans le tube digestif) est la déshydratation. Elle est le plus souvent liée à un manque d’eau disponible (gel) et/ou à une réduction de l’absorption (absence de soif).

La soif chez le cheval n'est pas uniquement régulée par le niveau d’hydratation global de l’organisme, mais également par des thermorécepteurs situés dans la bouche et au niveau du pharynx.

L'ingestion d'une eau très froide (proche de 0°C) refroidit intensément ces récepteurs. Ces derniers envoient alors un signal immédiat de "satiété" au cerveau, souvent avant que le volume d'eau nécessaire à l'organisme ne soit consommé.

Un cheval qui boit, amené à consommer moins d'eau en hiver ce qui augmente de manière proportionnelle les risques de coliques d'impaction et d'ulcères

Le cheval s'arrête alors de boire alors qu'il est en déficit hydrique. Le contenu du gros côlon, qui nécessite une hydratation constante (environ 90% d'eau) pour transiter, devient plus sec. La viscosité augmente, le transit ralentit, et le risque d’impaction devient réel.

2. Effet sur le système hormonal

Le froid soudain est perçu par l'hypothalamus comme une agression.

Activation du Système Nerveux Sympathique (le système du stress et de l'action). Cela déclenche une libération de noradrénaline.

La noradrénaline se fixe sur les muscles lisses de l'intestin et inhibe leur contraction. Le péristaltisme (mouvement de l'intestin) est mis en pause, pour économiser l'énergie. Ce ralentissement, couplé à la stase des aliments, favorise les fermentations anormales avec risque d’accumulation de gaz (coliques gazeuses).

nez de cheval couvert de givre illustrant les risques digestifs liés au froid

3. La Dysbiose liée au froid

Pour compenser le froid, le réflexe courant est d'augmenter la ration de concentrés (amidon).

Or, l’amidon excessif peut entraîner une acidification du gros intestin, tuant les bactéries fibrolytiques bénéfiques au profit de bactéries productrices d'acide lactique. Cette dysbiose, aggravée par une moindre irrigation sanguine de la paroi intestinale (vasoconstriction due au froid), fragilise la muqueuse et peut provoquer des coliques gazeuses ou spasmodiques, voire une acidose, dont les conséquences peuvent être graves.

II. ULCÈRES GASTRIQUES : 

La classification moderne distingue deux maladies ulcéreuses : les ulcères squameux (ESGD) et les ulcères glandulaires (EGGD). Le froid les provoque par des voies totalement différentes.

1. ESGD (altération de la muqueuse squameuse) : effets directs des modes de gestion

La partie supérieure de l'estomac ne possède aucune protection naturelle contre l'acide. Elle dépend du tapis de fibres alimentaires pour absorber et tamponner le liquide gastrique.

  • Un cheval qui boit moins (eau très froide) pourra aussi manger moins de foin (anorexie secondaire). Chez un cheval, l'acide accumulé au fond de l'estomac entre en contact avec la paroi squameuse non protégée. C'est une brûlure chimique directe par défaut de lest alimentaire.
     
  • Les propriétaires ont tendance à monter la ration de grains en hiver, pensant protéger leur compagnon du froid. Mal dimensionnée, une ration trop riche en céréales ou en sucres peut entrainer des réactions bactériennes non souhaitables qui contribuent à acidifier le contenu gastrique.

  • Dans un environnement très froid, le cheval peut être amené à augmenter son ingestion totale. Cela veut dire qu’il mangera plus de foin et aura donc potentiellement fini plus rapidement son stock de foin et restera donc probablement plus longtemps le ventre vide ce qui constitue un facteur de risque supplémentaire pour le déclenchement d’ulcères.

2. EGGD (altération de la muqueuse glandulaire) : effet possible du stress thermique

  • La partie basse de l'estomac est, elle, conçue pour résister à l'acide grâce à un mucus protecteur riche en bicarbonates. Le froid active l'axe du stress (cortisol). Or, le cortisol inhibe la synthèse des prostaglandines (PGE2). Ces PGE2 sont indispensables pour produire le mucus protecteur.

  • Pour garder la chaleur au centre du corps, les vaisseaux sanguins qui irriguent l'estomac se contractent (vasoconstriction). La muqueuse, moins irriguée, s'oxygène mal et perd une partie de son intégrité.

  • Si le cheval reçoit en plus des anti-inflammatoires (AINS) pour des douleurs arthrosiques hivernales, la production de prostaglandines peut chuter davantage, ouvrant la voie à des ulcères glandulaires sévères, souvent méconnus car moins symptomatiques que les coliques. 

III. Facteurs de risque aggravants

Certains chevaux sont prédisposés à subir ces effets de plein fouet :

  • Cushing (PPID) : Ces chevaux ont déjà un taux de cortisol dérégulé et une immunité affaiblie. Leur muqueuse glandulaire est donc chroniquement fragilisée.
     
  • PSSM / Myosites : Le froid déclenche des contractures musculaires. La douleur intense provoque un pic de stress (cortisol) qui attaque l'estomac, créant un cercle vicieux douleur-ulcère.

IV. Protocole de prévention - en cas de grand froid …

Comprendre la physiologie permet de cibler la prévention :

  • Maintenez ; si possible, l'eau entre 7°C et 15°C pour contourner le leurre des thermorécepteurs et favoriser la prise de boisson. C'est la mesure la plus efficace pour prévenir l'impaction.

    ! Bien entendu, il faudra vérifier que le cheval a bien accès à l’eau (terrain praticable sur sol non gelé et/ou sans trop de boue, pas d’effet de dominance, etc.). Un peu de sel dans la ration stimulera la prise de boisson et équilibrera l’hydratation.

  • Contrairement aux idées reçues, augmenter le grain (concentré) ne réchauffe pas durablement l’organisme contrairement aux fermentations bactériennes liées à la consommation de foin (fibres). Il s’agit d’une réaction exothermique ( = qui produit de la chaleur) puissante et longue durée.

    >> Augmentez le foin de 20-30% lors des chutes de température pour les chevaux qui ne sont pas déjà au foin à volonté.

  • Vérifiez que les chevaux ne restent pas plus de quatre heures sans manger. Idéalement, le foin devrait rester disponible en continu. Pour les chevaux restreints, augmenter le nombre de repas en ayant recours à des dispositifs (slow feeder) adaptés.

  • Ne confinez pas strictement un cheval lors d'un coup de froid. Le mouvement stimule le système parasympathique et la motilité, contrant l'effet paralysant du froid et stimulant la bonne digestion.

    Cheval statique près de son abri évoquant le fait que nos chevaux se déplacent beaucoup moins en hiver et restent près du râtelier

    En hiver, les chevaux ont tendance à moins se déplacer notamment du fait d'une disponibilité en herbe réduite. Ils restent souvent autour du râtelier. Pensez donc à diversifier les points d'intérêt et d'affouragement pour stimuler le mouvement. Des sorties régulières peu intenses seront également vos alliées. 

    Vérifiez que le cheval dispose d’un abri contre le vent et les précipitations, avec litière sèche. Pour les chevaux sensibles, les chevaux âgés ou ceux qui souffrent d’arthrose ou de pathologies métaboliques, il est parfois judicieux de couvrir !

Groups de chevaux couverts de couvertures mais statique durant la saison hivernale avec risque de coliques de stases
En résumé : face au froid, le système digestif du cheval est tiraillé entre le ralentissement du transit (risques de coliques) et la baisse de ses défenses mucosales (risque d’ulcères). La bonne réaction à avoir n'est pas seulement thermique (mettre une couverture, rentrer le cheval au boxe), elle est avant tout hydrique et fibreuse !

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