L'analyse d'herbe : un coût souvent inutile

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L'analyse des fourrages est une pratique bien établie en nutrition équine, essentielle pour ajuster les apports alimentaires en fonction des besoins des chevaux. Mais faut-il pour autant analyser l'herbe fraîche des prairies pour affiner les rations ?
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Une tendance à la mode, mais pas toujours fondée ...
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L'échantillonnage : un point de départ souvent bancal
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Le cheval trie !
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Une herbe qui croît et qui évolue plus vite que vos résultats d'analyse !
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Cas particulier des minéraux et oligoéléments
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Des outils comme le réfractomètre Brix ? Bof...
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Et les analyses réalisées par les scientifiques alors ?
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Que faire alors ?
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Conclusions
L'analyse des fourrages est une pratique bien établie en nutrition équine, essentielle pour ajuster les apports alimentaires en fonction des besoins des chevaux. Mais faut-il pour autant analyser l'herbe fraîche des prairies pour affiner les rations ?
D'une manière générale, la réponse est NON ! Et je vous explique ici pourquoi...
Une tendance à la mode, mais pas toujours fondée ...
De plus en plus de professionnels et de propriétaires se tournent vers l'analyse de l'herbe pâturée, pensant qu'elle permettrait un ajustement des apports nutritionnels. C'est une idée intuitive, mais qui se heurte à plusieurs limites majeures : l'échantillonnage, la variabilité temporelle, la sélection alimentaire par le cheval, et le coût pour une information souvent peu exploitable.
L'échantillonnage : un point de départ souvent bancal
Pour qu'une analyse ait du sens, il faut que l'échantillon soit représentatif de ce que le cheval consomme réellement. Et c'est là que les difficultés commencent :
Une prairie est très rarement homogène (pour ne pas dire jamais) : flore variée, stades phénologiques différents, zones surpâturées ou au contraire peu consommées...
Notre oeil et notre main d'humain vont avoir beaucoup de difficulté à réaliser un échantillon réaliste et représentatif de la diversité globale de la prairies (variété floristique, proportion des différentes espèce et des différents stades !).
En plus de cela ...
Le cheval trie !
Il sélectionne certaines espèces, certains stades, certaines parties de plantes (feuilles, tiges...). Et ses goûts peuvent évoluer de jours en jours ou au fil de saison, selon d'éventuelle pathologies, etc. Ce qu'il mange n'est donc pas la moyenne de la prairie, mais une sélection très personnelle.
Réaliser un échantillon représentatif dans ces conditions est extrêmement complexe, voire illusoire.
En comparaison, prélever un échantillon de foin dans plusieurs ballots d'un même lot est bien plus simple et fiable.
Une herbe qui croît et qui évolue plus vite que vos résultats d'analyse !
L'autre limite majeure est la variabilité temporelle de l'herbe. En effet, sa composition nutritionnelle évolue rapidement :
- Entre le matin et le soir, notamment en ce qui concerne les sucres solubles
- D'un endroit à l'autre de votre parcelle, parfois en quelques mètres seulement (d'où la difficulté de réaliser un bon échantillonnage !)
- D'un jour à l'autre, selon la météo, le stade de la plante, la fréquence de pâturage, etc.
- Au fil de la saison, avec des évolutions notables des teneurs en énergie, protéines, minéraux, etc.
A titre d'exemple, l'herbe peut perdre la moitié de sa teneur en protéines (sinon plus) en à peine quelques semaines !
En clair, les résultats que vous obtiendrez quelques jours (ou semaines) après prélèvement ne correspondront déjà plus à la réalité de l'herbe pâturée par vos chevaux.
Cas particulier des minéraux et oligoéléments
Certaines personnes souhaitent analyser l'herbe pour connaître les apports en minéraux et oligoéléments. Là encore, prudence :
- Ces oligo-éléments sont présents en quantités infimes, et donc soumises aux erreurs de prélèvement ou à la sensibilité de l'analyse.
- Leurs teneurs varient généralement (selon le minéral considéré) avec la flore, le sol, la météo, ou encore le stade de pousse
- Le cheval trie toujours (oui, encore), ce qui rend le lien entre composition de l'herbe et ingestion très flou.
Mieux vaut souvent se référer à la littérature scientifique régionale, qui propose des moyennes par type de sol et de climat, pour estimer les apports minéraux.
Des outils comme le réfractomètre Brix ? Bof...
Certains utilisent un réfractomètre (type "Brix") pour estimer les teneurs en sucres de l'herbe. Le principe : on broie un peu d'herbe, on dépose une goutte de jus sur l'appareil, et on lit un pourcentage.
Pratique ? Pas tant que ça :
Résultats très variables selon les conditions météo, le moment de la journée, l'humidité...
Lecture assez grossière, difficile à interpréter. Bref, un outil plus pédagogique que véritablement utile pour formuler une ration.
Et les analyses réalisées par les scientifiques alors ?
Oui, les chercheurs analysent parfois de l'herbe fraîche, mais avec des protocoles rigoureux :
- Prélèvements réguliers, parfois quotidiens, voire plusieurs fois par jour
- Conditions météo notées, flore caractérisée, chevaux suivis...
- Objectifs très clairs, précis et établis à l'avance
- Budgets en conséquence !
Ces travaux permettent d'établir des références fiables pour guider la gestion nutritionnelle. En pratique, utiliser ces données de référence, croisées avec l'observation des chevaux et des conditions de pâturage, est souvent plus pertinent (et bien moins coûteux) que de lancer une analyse isolée.
Que faire alors ?
Plutôt que d'analyser l'herbe fraîche :
- Observez votre prairie : espèces présentes et leur proportion, stades de développement, homogénéité.
- Appuyez-vous sur des références bibliographiques, adaptées à votre région et type de sol.
- Observez vos chevaux : état corporel, comportement alimentaire, fumiers.
- Faites une analyse de sol ponctuelle si besoin, ou une analyse minérale de fourrage conservé.
Conclusions
Analyser l'herbe fraîche pour faire une ration, n'est le plus souvent pas la meilleure option pour vous aider à piloter la ration de vos chevaux, même les plus sensibles ! D'autant que les répercussions d'une ration mal calibrée peuvent être dramatique.
L'analyse d'herbe est une opération coûteuse, imprécise, et rarement utile au quotidien. Mieux vaut s'appuyer sur des bases agronomiques solides, des observations fines, et des outils de gestion simples, mais robustes.
Et surtout : restez critique par rapport aux informations, trucs et astuces qui circulent !